- C1 (F)
- Demies
- Lyon-Arsenal
« L’OL est le plus grand club du monde, mais niveau business, on est au début »
La demi-finale aller entre Arsenal et Lyon s’est jouée devant 40 000 personnes à l’Emirates. Combien seront-elles dimanche au Groupama Stadium ? Alors que l’affluence des Fenottes plafonne à 15 000 spectateurs cette saison, Olivier Jaubert, directeur business du club, se confie sur la stratégie de l’OL pour rattraper ce retard.

Pourquoi un club aussi titré que l’OL peine-t-il à remplir ses tribunes ?
Peut-être parce qu’on n’a pas encore tout fait. Michele Kang a racheté le club l’année dernière, certaines choses ont été mises en œuvre, mais il y a forcément une petite inertie. On arrive maintenant dans la phase d’accélération. Dans le football féminin en France, il n’y a pas de club qui a un vrai public, régulier, avec des moyennes de spectateurs élevées. Les seuls matchs où il y a beaucoup de public sont ceux où le club balance des tonnes d’invitations. Pour le coup, c’est la stratégie vers laquelle on n’ira jamais, car quand vous invitez, vous ruinez votre produit. On va travailler, tous les jours, pour remplir ce stade le plus possible. Ça passe par l’établissement de notre marque, exister en tant qu’OL féminin, et par l’identification de nos cibles. Quand on veut remplir un stade, il faut savoir à qui on parle.
À qui vous voulez parler ?
On a quatre cibles prioritaires. D’abord, les jeunes joueuses de 8 à 15 ans, le public de demain. On a des relations avancées avec 495 clubs via notre Réseau Foot Féminin. Cette cible représente 15 000 licenciées. Ajoutez les familles, vous avez un potentiel de 100 000 personnes à qui il faut parler régulièrement. Ensuite, on a une cible « lifestyle », les 15-25 ans, à qui il faut montrer que c’est cool de venir voir l’OL féminin, qu’il se passe des choses. Troisième cible : les gens qui vont voir l’équipe masculine. Les clubs qui ont beaucoup de public ont réussi à construire une porosité entre les équipes masculine et féminine. C’est hyper important de faire passer le message que quand on est un vrai fan de l’OL, peu importe que ce soient les garçons ou les filles, on y va. La dernière cible pour nous, ce sont les familles. L’avantage du football féminin est qu’on peut aller au stade en toute quiétude, avec ses enfants. Ça peut être une belle sortie du samedi ou du dimanche après-midi si on a les horaires adaptés. Il y aura des communications spécifiques, il va falloir engager, conquérir, convertir ces cibles.
L’OL a innové en invitant les supporters à venir au stade avec leurs chiens contre le Paris FC. Quel bilan vous tirez de cette première ?
D’un point de vue affluence (4 500 spectateurs), je ne suis pas sûr qu’on ait un énorme bilan à tirer. Cette opération a mis un coup de projecteur sur un match de D1, on a eu des retombées presse exceptionnelles. Une centaine de personnes sont venues avec leur chien, ça ne s’était jamais fait. C’est un point de départ. Donc on se dit qu’il faut recréer des événements quand on joue au Groupama Stadium. En espérant que la prochaine fois, on ait 10 000 personnes au lieu de 4 500, puis 15 000, puis 20 000, et un jour on aura des grands matchs devant 45 000 ou 50 000 personnes, comme Arsenal contre nous.
Le spectacle sportif a besoin d’être soutenu par d’autres types de spectacles, qui donnent envie à d’autres publics. Quand ils vont venir, ils vont trouver ça tellement bien que la prochaine fois, ils viendront sans même avoir besoin de l’autre.
Vous reproduirez cette initiative du « match de wouf » ou c’était un one-shot ?
C’est compliqué à faire. Il faut des dérogations préfectorales, il y a eu un énorme travail de labellisation de l’événement. Et puis je ne suis pas sûr qu’on aime refaire ce qu’on a déjà fait. Ce qui est intéressant, c’est d’innover. Il y aura d’autres innovations au fil de la saison prochaine. Dimanche, Feder jouera après la demi-finale. Je ne connaissais pas son nom il y a trois jours, mais j’ai de bonnes équipes. (Rires.) Des tas de clubs ont déjà invité des DJ, mais là, c’est un grand nom de la scène électro, qui mixera pendant 90 minutes. On va essayer plein de choses, de construire des expériences, et on espère que ça plaira. Le spectacle sportif a besoin d’être soutenu par d’autres types de spectacles, qui donnent envie à d’autres publics. Quand ils vont venir, ils vont trouver ça tellement bien que la prochaine fois, ils viendront sans même avoir besoin de l’autre.

Il faut casser les codes ?
Au départ, oui, parce qu’il faut attirer un public qui ne viendrait pas forcément. Il faut effectivement casser les codes. La plupart des gens qui viennent voir un match repartent en se disant : « Ah ouais, c’est bien ! » Souvent, ce qui manque, c’est la culture de ce sport. Nous, on est des évangélistes du football féminin, on doit convertir des gens pour leur donner envie de revenir. Feder, ça va parler à la cible lifestyle 15-25 ans. Si on avait joué ce week-end, j’aurais fait une chasse aux œufs géante dans le stade. Et là, j’aurais plutôt parlé aux familles. Une chasse géante, ils seraient repartis avec une indigestion de chocolats !
Combien de spectateurs vous attendez dimanche ?
Je ne vais pas faire Nostradamus, on aura des accélérateurs dans les jours qui viennent. On a monté des opérations avec nos partenaires. Je suis sûr qu’on sera au moins à 20 000, j’espère qu’on sera plutôt près des 30 000. Je ne suis pas inquiet pour les 20 000, mais c’est toujours moitié moins qu’Arsenal, donc on a encore deux fois plus de travail.
Une bonne affluence, ce serait combien ?
Je ne sais pas. Pour moi, c’est trop tôt pour avoir de genre d’analyse, car on est encore dans les test and learn. L’année dernière, le club a battu un record avec 38 000 personnes contre le PSG, mais il y avait eu 24 000 invitations, donc en réalité, il y avait 14 000 personnes. Contre le Bayern, on était 14 000. Est-ce que notre plafond de verre est aujourd’hui à 20 000 ? Est-ce qu’on peut faire 30 000 ? Je ne sais pas. L’idée, c’est de poser des bases pour aller plus loin. Peut-être qu’on sera 25 000 dimanche et qu’on sera déçus, ou peut-être qu’on sera 18 000 et qu’on trouvera ça bien parce que c’était difficile de faire mieux.

L’OL a volontairement délocalisé un match à Bourg-en-Bresse en octobre pour aller à la rencontre du public. C’est un levier intéressant ?
Aller au devant de son public, c’est une bonne chose. Est-ce que les matchs de saison régulière de Première Ligue sont les meilleurs matchs pour le faire, je ne sais pas. Est-ce qu’on continuera de le faire en saison régulière, je ne sais pas. Les 3 000 personnes qui sont venues à Bourg-en-Bresse ne seraient pas forcément venues nous voir à Lyon, de la même façon à Bourgoin (où l’OL se délocalisera à nouveau, le 7 mai, face au Havre, NDLR). En revanche, si venir nous voir à Bourg-en-Bresse ou Bourgoin leur donne envie de venir nous voir pour des gros matchs à Lyon, ce sera tout bénef.
Où en est le projet de construire un stade dédié à l’équipe féminine ?
Je ne sais pas, je ne parle pas au nom de ma propriétaire. On a une marque forte, elle est représentée par une équipe sur le terrain, on doit travailler pour que de plus en plus de gens aient envie de venir la voir. En ce qui concerne le stade, ce n’est sûrement pas à moi de me prononcer.
On va prendre le temps de réfléchir, de construire les bonnes stratégies. Dans trois ans, si vous me posez les mêmes questions, on pourra se dire que ça a merdé, qu’on n’a pas bien bossé.
Jouer des matchs ailleurs qu’au centre d’entraînement est quand même important en matière de valorisation de votre produit.
Je n’ai pas dit qu’il fallait continuer à jouer au GOLTC. Il y a plein de réflexions : où on joue, quand, est-ce que tous les matchs méritent d’être joués ailleurs qu’au GOLTC ou seulement certains… C’est assez bizarre de dire ça quand on est le plus grand club du monde, mais d’une certaine façon, niveau business, on est au début du projet. On va prendre le temps de réfléchir, de construire les bonnes stratégies. Dans trois ans, si vous me posez les mêmes questions, on pourra se dire que ça a merdé, qu’on n’a pas bien bossé, et je pense que je ne serai plus là pour vous répondre. (Rires.) Il n’y a aucune fatalité, surtout quand on a une équipe aussi forte que la nôtre. Maintenant, on doit mettre les wagons dans le bon ordre et faire avancer le train.
L’objectif est que, dans un ou deux ans, l’OL féminin joue devant minimum 20 000 ou 25 000 personnes à chaque gros match ?
Je fonctionne beaucoup sur des cycles de trois ans. La propriétaire ne m’a jamais dit : « Olivier, je veux qu’on ait 25 000 personnes de moyenne pour nos gros matchs à domicile l’année prochaine. » On va construire, peut-être qu’on s’apercevra qu’il y a des choses qu’on peut faire, d’autres qu’on ne peut pas faire. On n’a pas encore assez de recul. J’aimerais bien vous dire qu’on aura 25 000 spectateurs de moyenne l’année prochaine pour tous nos gros matchs. Après, combien a-t-on de gros matchs dans une saison ? C’est agréable d’être dans une équipe qui gagne, mais cette saison, on a 18 victoires et deux nuls en 20 matchs. J’espère qu’on aura une D1 de plus en plus compétitive. Ce sera aussi un facteur de succès, on le voit en Angleterre.
Wendie Renard envisage un avenir comme coachPropos recueillis par Quentin Ballue