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Antony, une otarie en liberté

Par Mathieu Plasse
6 minutes

Considéré comme l’un des plus gros flops de l’histoire du football à Manchester United, Antony a réussi à changer la donne en trois mois. Prêté au Betis au mercato hivernal, le Brésilien passe désormais ses week-ends à enchaîner les grosses performances et les buts. Un tour de magie auquel personne n’aurait cru hormis lui-même, qui s’est déjà sorti de la misère par sa volonté.

Antony, une otarie en liberté

Dans son numéro d’avril 2025, So Foot proposait un classement consacré aux véritables GOATS. Pas les cracks ou les talents purs, ceux qui représentent autre chose, ceux qui ne sont pas associés à la perfection ou à l’élégance. Les pieds carrés, les losers, les chèvres, tant de surnoms pour des types qui ont fini par gagner le respect et l’amour des supporters. En dixième place, on pouvait trouver Harry Maguire. Aussi fort dans la surface que face aux flics, le défenseur anglais a été moqué durant de longues années pour ses bourdes à répétition. Un autre (ancien) Mancunien aurait pu s’y faire une place, le dénommé Antony Matheus Dos Santos. Même si on ne sait plus trop aujourd’hui où situer le joueur de 25 ans, qui revit de l’autre côté des Pyrénées. Refaisons l’histoire pour mieux le comprendre.

Toupie or not toupie, telle est la question

Envoyé en Angleterre à l’été 2022 contre la modique somme de 95 millions d’euros, le Brésilien rejoint un Manchester à la sauce hollandaise à la suite de l’arrivée d’Erik ten Hag. Accompagné de son coéquipier Lisandro Martínez, le 17e joueur le plus cher de tous les temps semble être dans un cadre bénéfique pour son explosion. Mais à l’image du (pas) divin chauve, l’ailier va devenir la risée du Royaume-Uni. Entre des statistiques faméliques (douze buts en une centaine de matchs), des prestations fantomatiques et des accusations de violences conjugales de la part de deux femmes, le voyage tourne au fiasco. Fiasco qui va prendre un rayonnement mondial le 27 octobre 2022. Face au Sheriff Tiraspol en Ligue Europa, le numéro 21 sort un geste dont lui seul a le secret : deux tours sur lui-même avec le ballon, tel une toupie, avant d’envoyer une passe trop longue pour Casemiro. Un moment suspendu dans le temps, qui symbolise son périple outre-Manche.

Poussé vers la sortie à l’arrivée de Rúben Amorim, le « bode expiatório » (bouc émissaire en portugais) en a vu d’autres. Enfant des favelas de São Paulo, celui qui n’avait pas encore sa teinture blond peroxydé a grandi à Inferninho (traduisez « le petit enfer », un comble pour celui qui échouera aux Red Devils). Pauvreté extrême, armes et dealers de drogue font la loi dans ce faubourg comme tant d’autres au Brésil. Une enfance peu souhaitable pour le petit Antony, qui confie même au  Players Tribune avoir croisé la route d’un homme qui venait de perdre la vie, et l’enjamber comme si de rien n’était.

Je mettais un elastico aux dealers, un arc-en-ciel aux chauffeurs de bus, un petit pont aux voleurs. Je n’en avais rien à foutre.

Antony

Comme tant de meninos avant lui, le football sera un moyen d’émancipation. Un premier temps grâce à YouTube, puisque le bambin va être abreuvé de compilations, de Ronaldinho à Neymar. Des rêves d’imiter ses idoles, couplés à la rudesse du quartier, mènent à la naissance d’un petit diable avec le ballon, face aux grands du quartier : « J’étais petit, mais je dribblais avec une méchanceté qui venait de Dieu. Dribbler a toujours été quelque chose ancré en moi. Et je refusais de baisser la tête, qu’importe qui se trouvait en face. Je mettais un elastico aux dealers, un arc-en-ciel aux chauffeurs de bus, un petit pont aux voleurs. Je n’en avais rien à foutre. » Une attitude de tête brûlée qui lui ouvrira les portes de l’académie de São Paulo.

Le bijoutier de Séville

Tricard de chez tricard en Premier League, Antony a peut-être retrouvé ce qui l’épanouissait au Brésil. En fin de mercato hivernal, l’ailier se retrouve envoyé au Real Betis, pataugeant à la onzième place de Liga. L’autre club de Séville annonce son arrivée en grande pompe, avec une vidéo cumulant les références à David Lynch, disparu une semaine plus tôt. Twin Peaks, Lost Highway, Mulholland Drive… Tout s’enchaîne avant de retrouver le visage de la nouvelle recrue sur le corps d’Eraserhead. Dans le premier long-métrage du réalisateur californien, le héros, joué par Jack Nance, se retrouve dans une ville en noir et blanc. Une ville morne, pleine d’immeubles désaffectés et de parcs industriels. Une atmosphère très loin de la capitale andalouse, qui a redonné des couleurs au Brésilien.

Requinqué, il ne lui faudra que deux matchs pour trouver le chemin des filets, lors d’une défaite contre le Celta (2-3). Puis, les victimes vont s’enchaîner très vite. La Gantoise, la Real Sociedad, le Vitória Guimarães, aucune équipe ne semble résister à son pied gauche, auteur de plusieurs golazos. Un état de grâce qui n’a pas l’air de surprendre Manu Fajardo, directeur sportif des Béticos, habitué à relancer des talents en difficulté : « Ici, nous travaillons sur les joueurs dévalués. C’est-à-dire que l’on analyse des joueurs qui ont atteint un très gros niveau, mais qui ont décliné pour différentes raisons. Ce fut le cas d’Antony, qui a performé dès sa première minute au Betis », explique-t-il à Marca. Une récupération qui a fonctionné pour Isco, Cédric Bakambu ou même Cucho Hernández, rapatrié en Espagne cet hiver.

Je fournis la voiture s’il faut le séquestrer, mais il faut qu’Antony reste, peu importe comment.

Joaquín, nostalgique de l’ETA

Autant de talents offensifs qui vont participer à la remontée express du club, qui n’a perdu que deux fois depuis février (contre le Celta et Villarreal). À la lutte pour une place en Ligue des champions, les Verdiblancos mènent aussi la danse en Ligue Conférence, après la demi-finale aller contre la Fiorentina. Encore un match où la nouvelle idole du Benito-Villamarín va se faire remarquer avec une reprise de volée pleine lucarne, à 20 mètres des cages. Du pied droit, de quoi faire halluciner David de Gea, lui aussi en pleine résurrection depuis son départ de Manchester : « Je me suis entraîné mille fois avec Antony, et jamais il n’a marqué un but du pied droit. Mais je reste heureux pour lui après qu’il a traversé des moments difficiles. »

Après trois mois exceptionnels, tous les supporters prient pour que le numéro 7 puisse rester en Espagne la saison prochaine. Isco avait déjà évoqué un crowdfunding pour concrétiser son transfert, mais la légende Joaquín est allée plus loin dans la déconne : « Je fournis la voiture s’il faut le séquestrer, mais il faut qu’il reste peu importe comment. C’est le moment de profiter de lui, je pense que des moments importants vont arriver et on verra plus tard. » Au moment de prononcer ces paroles, le joueur le plus capé du club n’avait pas encore vu sa merveille contre la Fio, ni son tir hallucinant contre l’Espanyol, offrant la victoire à la 91e minute (2-1). Des coups d’éclat qui pourraient bien le rapprocher d’un autre Brésilien ayant porté par le maillot blanc et vert : Denílson. En espérant qu’il ne coûte pas aussi cher.

Joaquín prêt à kidnapper Antony pour le garder au Betis

Par Mathieu Plasse

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