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Gerard Martín, un joueur normal dans un match paranormal
Le Barça est le grand perdant d’une demi-finale aller-retour entrée dans la légende. On retrouvera à ce niveau-là Lamine Yamal, Pedri et d’autres dans un an, deux ans ou plus. Peut-être pas Gerard Martín, à la fois double passeur décisif et dépassé par les évènements. Un joueur normal au milieu du paranormal, c’est réconfortant.

Ce n’est pas le premier nom dont on se souviendra, dans 10, 15 ou 20 ans, quand il faudra citer les onze titulaires de l’Inter et du Barça de cette demi-finale aller-retour de Ligue des champions déjà entrée dans la légende, depuis mercredi dernier et un peu plus encore ce mardi soir. Gerard Martín n’a pas le blase d’un héros du foot, encore moins si on le prononce à la française. Il n’a pas le prénom ni le nom de quelqu’un qu’il faut prendre au sérieux. Gérard Martin, quoi. Il y en a plein l’annuaire, plein les pages blanches, plein les pages jaunes, des Gérard Martin, des Martin Gérard ou même des Martine Gérard, c’est au choix. L’immense majorité — sauf les quelques-uns qui ont reçu un coup de fil venu tout droit d’une rédaction ce lundi après-midi — n’ont pas eu vent de l’existence d’un homonyme espagnol, prêt à se retrouver une nouvelle fois dans la cour des très grands, dans la plus belle des compétitions de clubs.
Il faut des héros dans ce genre de moments d’histoire, Francesco Acerbi et Yann Sommer en font partie, comme Raphinha a cru pouvoir le devenir en marquant le but du 3-2 à la 88e minute. Il faut des héros malheureux, aussi, ce que sont les Catalans après avoir participé à une double confrontation qui va rester dans les mémoires et qui pourrait prétendre au titre de demi-finale la plus dingue de l’histoire de la C1. Là encore, Gerard Martín, 23 ans et pas sorti tout droit du centre de formation catalan, n’est pas le premier auquel on pense. Lamine Yamal, 17 ans et une coupe abominable, aura été éblouissant, ébouriffant, bluffant. Ce gamin est l’avenir de ce sport, celui qui va enchanter les plus jeunes et les plus anciens, qui ont envie de croire que le foot et ses dérives ne lui feront pas perdre l’essentiel. Il y a Pedri, toujours juste, toujours propre. Il y a Raphinha ou Dani Olmo, décisifs aux bons moments après avoir déçu. Et il y a Gerard Martín, celui qu’on n’attendait pas.
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Il est sans doute le premier à avoir eu des vertiges, entre l’aller et ce retour, et à savoir qu’il n’était pas encore fait pour ces altitudes. Hansi Flick s’était chargé de le lui faire comprendre la semaine dernière, en le sortant dès la pause, après avoir vu le remplaçant d’Alejandro Balde prendre l’eau face à Denzel Dumfries, entre autres. Le technicien allemand aurait pu récidiver ce mardi soir à Milan, tant le latéral gauche a souffert en première période, rappelant ses limites et ses lacunes évidentes. Il ne l’a pas fait, il l’a même laissé jusqu’au bout des 120 minutes. En pensant avoir bien fait, au retour des vestiaires, quand Gerard Martín a chassé les moqueries en présentant son pied gauche pour trois centres parfaits, dont deux ont fait mouche pour Eric Garcia et Dani Olmo. Deux passes décisives dans une demi-finale de Ligue des champions, sans prévenir, après avoir quasiment coulé pendant 45 minutes.
Il n’y a pas que les cracks dans le foot
C’est aussi ce qui fait le foot, un mauvais qui se transforme en bon le temps d’une action. Ou deux. Ou trois. Ce ne sont pas que les cracks, les types programmés et trop forts, les Yamal et Pedri. Ce sont les autres, aussi. Les moins bons, ceux qui ne devraient pas être là ou dont on se demande comment ils ont fait pour y arriver. Le jeune Gerard Martín ne s’imaginait peut-être pas dans ce monde, ce soir de janvier 2021, quand il avait croisé en Coupe du Roi la route du Barça de Martin Braithwaite, Antoine Griezmann, Ousmane Dembélé ou Riqui Puig avec son équipe de Cornellà, pensionnaire de troisième division espagnole (une défaite 0-2 après prolongation pour Martín, défendant sur Trincão). On l’imagine davantage dans ce FC Barcelone (où l’on trouvait aussi Konrad de la Fuente) que dans l’actuel, pour être honnête.
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Pourtant, Gerard Martín est là. Il a gagné sa place dans le groupe de Flick, après une arrivée à l’été 2023 pour tâter le ballon avec la réserve de Rafa Márquez. Le voilà aujourd’hui associé à une demi-finale de Ligue des champions que personne n’est près d’oublier, dans une saison à 38 apparitions toutes compétitions confondues avec le possible futur champion d’Espagne. Gerard Martín est un autre symbole de ce Barça, drôle de mélange entre des esthètes, des génies du ballon, des grands joueurs et d’autres beaucoup moins grands. Ronald Araújo, Pau Victor ou Hector Fort (18 ans, tout le monde n’est pas Yamal) ne font pas rêver non plus et leurs entrées n’ont pas aidé les Blaugrana.
« J’ai mal commencé ma saison, puis j’ai progressivement gagné en confiance et en régularité, expliquait récemment Martín à la presse. Au début, la pression était forte, c’était compliqué pour moi. Maintenant, je me suis bien adapté. » Au point d’avoir décroché une prolongation jusqu’en 2028 au mois de janvier et désormais une petite place, au moins, dans ce moment de foot dont on se souviendra pour longtemps.
Quand un groupe de Françaises demande à Lamine Yamal de les prendre en photoPar Clément Gavard