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Gaëtane Thiney : « Je vais rêver jusqu’à la dernière minute »
Après 25 années passées au plus haut niveau, Gaëtane Thiney s’apprête à tirer sa révérence à la fin de la saison. À l’instar de son numéro de maillot, la capitaine emblématique du Paris FC achèvera sa carrière au terme d’une dix-septième année au sein du club parisien. À la veille de sa première finale, « Tatane » a encore des choses à dire.

Vous allez disputer votre première finale de Coupe de France, qu’est-ce que ça représente ?
Ça représente beaucoup, c’est la première finale de ma carrière et en même temps, au regard du nombre d’années que j’ai passées dans mon club, c’est quelque chose qu’on mérite. Jouer cette finale en fin de carrière, avec un groupe dans lequel je me sens très bien, c’est beaucoup d’excitation et d’émotion. C’est l’aboutissement d’un rêve.
Vous allez retrouver le PSG, que vous allez affronter à plusieurs reprises ces prochaines semaines, comment vous l’appréhendez ?
On les respecte, on sait que c’est une très grande équipe difficile à manier. Maintenant, on montre aussi qu’on est régulières dans nos performances et que notre projet de jeu se construit d’année en année. On a un style de jeu différent du PSG, un projet de jeu plus collectif et avec un effectif plus réduit en matière d’expérience. Mais évidemment, c’est une affiche prestigieuse, avec un derby en finale et tout le monde a envie de voir cette équipe du Paris FC essayer d’accrocher le PSG, et j’espère qu’on pourra lever la coupe.
✨ 𝑼𝒏𝒆 𝒔𝒆𝒖𝒍𝒆 𝒆𝒙𝒊𝒈𝒆𝒏𝒄𝒆 : Rester fidèles à notre jeu, notre engagement et notre collectif ⚔️ 🩵Ce samedi, nos Parisiennes joueront pour l’histoire de tout un club, la finale de la 𝑪𝒐𝒖𝒑𝒆 𝒅𝒆 𝑭𝒓𝒂𝒏𝒄𝒆 au Stade de l’Épopée, à Calais 🙌 🔵⚪️ #CertifiéParis pic.twitter.com/JqkRAPbriM
— Paris FC Féminines (@PFC_feminines) April 30, 2025
Vous avez quasiment passé l’intégralité de votre carrière dans le même club. Qu’est-ce qui vous a fait rester 17 années au Paris FC ?
J’ai découvert le très haut niveau dans ce club et mes premières grandes émotions avec nos différents parcours. J’ai ressenti des valeurs communes et je me sentais très bien dans cet environnement. J’avais la performance, la convivialité, l’exigence et des relations humaines authentiques, c’est un environnement qui m’a permis de m’épanouir, de grandir. C’est une mission pour moi de permettre à cette équipe d’évoluer. Je suis plus attirée par les trophées collectifs qu’individuels. Je suis arrivée dans un club qui avait un tout petit budget, où on avait très peu d’infrastructures. Aujourd’hui, on est au Paris FC, notre propriétaire c’est Antoine Arnault, on a des terrains hybrides magnifiques, et le club va encore prendre un élan incroyable. Pierre Ferracci nous a énormément aidés à grandir, et c’est pour moi le plus grand trophée d’avoir participé à l’évolution de ce club et de voir que toutes les filles ont un contrat, qu’on est troisièmes du championnat et qu’on continue d’être présents en Coupe d’Europe… Ce sont beaucoup de petits indicateurs qui sont des signaux très forts et qui valident un choix de carrière atypique. Évidemment, si je peux finir avec un trophée, ce serait la cerise sur le gâteau, mais déjà jouer cette finale, c’est extraordinaire. Pareil avec les play-off, alors que j’aurais pu finir ma carrière sur un simple match de championnat. Je vais avoir de l’adrénaline jusqu’au bout, des émotions jusqu’au bout, qu’elles soient tristes ou joyeuses.
Le sport féminin mondial est en train de prendre de l’ampleur, le football féminin en particulier. En France, il y a des signaux très positifs, et d’autres qui sont plus inquiétants.
Depuis six ans, vous êtes entraînée par Sandrine Soubeyrand, que vous avez côtoyée en club et en équipe de France. Comment on parvient à passer de cette relation de coéquipières à celle d’entraîneur-entraînée ?
C’est avant tout une grande relation de confiance. Une complicité, certes, mais on connaît notre place au sein de l’équipe, on peut en discuter. Elle a un management horizontal avec les cadres. Elle a un cadre déterminé et une fois qu’on est dedans, il y a beaucoup de liberté et d’autonomie. Assez souvent, elle ne me rate pas, elle est très exigeante avec moi. Je suis une leader, donc souvent à l’entraînement, ça peut lui arriver de me reprendre si je suis un peu moins concentrée, un peu moins exigeante sur la qualité technique. Je pense que ça sert aussi de modèle pour les autres et ça permet aux joueuses de voir qu’il y a un traitement identique pour toutes.
Vous avez commencé votre carrière au plus haut niveau il y a 25 ans, vous avez tout connu de l’évolution du football féminin français. Aujourd’hui, quel œil portez-vous sur cette évolution et sur la suite ?
C’est vrai que j’ai un peu tout connu et j’en suis très heureuse parce que je me trouve vraiment privilégiée : je peux voir les évolutions sur le plan sportif, économique, structurel et j’aime ça. Le vivre pendant 25 ans, ça a été l’opportunité de faire une étude presque involontaire du foot féminin. Le sport féminin mondial est en train de prendre de l’ampleur, le football féminin en particulier. En France, il y a des signaux très positifs, et d’autres qui sont plus inquiétants comme la multiplication des départs des joueuses. Le football français est en train de passer un moment difficile sur le plan économique de manière globale, il faut que le football féminin continue de se développer à travers sa ligue. On a beaucoup de talent dans notre pays, des infrastructures, et des personnalités qui sont capables de faire la différence.
Vous avez souvent mis en exergue la nécessité de mener un double projet pour votre équilibre personnel en ne faisant pas que du football. C’est quoi une journée classique dans la peau de Gaëtane Thiney ?
Ça a évolué tout au long de ma carrière. Cette dernière année, c’est l’étude du haut niveau féminin français à travers un mémoire pour ma formation de manager auprès de l’UEFA. Dans le cadre de mes missions à la fédération, ce sont des sollicitations pour mes sponsors. C’est aussi beaucoup de travail invisible pour pouvoir être en forme sur le terrain avec ma psychologue, mon ostéopathe et beaucoup de temps passé chez moi à récupérer. Tous les projets que j’ai eus, ils sont là pour alimenter mon équilibre mental qui, lui, a un impact sur mes performances sur le terrain. Pour certains, ça peut être un parcours atypique avec un emploi du temps un peu chargé, mais ça me permet de me sentir bien. J’arrive à m’accorder des temps de pause et de relaxation.
Lors du quart de finale retour de Ligue des champions entre le PSG et Aston Villa, votre ancienne coéquipière chez les Bleues, Laure Boulleau, a comparé votre caractère à celui d’Emiliano Martinez. C’est aussi ça qui a contribué à faire votre force ?
Je ne joue pas un rôle, en tout cas, c’est naturel. J’ai été leader très jeune. Le gardien d’Aston Villa, je ne le connais pas, je ne sais pas comment il est dans le vestiaire. Ce que je sais, c’est que je ne suis pas trop dans la provocation. J’aime défendre mon équipe, j’aime la protéger, mais je pense que j’ai une limite du respect qui n’est pas la même que la sienne. Après, Laure a dû vouloir faire une blague, je pense que c’était dans le sens où il impressionnait ou qu’il faisait peur. On m’a remonté qu’elle avait dit ça, c’était assez drôle.
Comment il se répercute sur le terrain, ce caractère ?
Je pense que je suis quelqu’un de déterminée et d’ultra passionnée, donc quand j’arrive sur un terrain, j’ai envie de gagner, mais j’ai envie surtout que mon équipe joue bien. Mon leadership, il a évolué avec le temps parce qu’il y a plein d’événements dans ma carrière qui m’ont fait me remettre en question là-dessus. Ma personnalité, elle prend de la place parce que j’interviens pas mal, j’analyse, j’ai beaucoup d’empathie, j’aime discuter avec les gens, j’ai besoin d’échanger. J’essaye d’être au maximum au service de l’équipe. Quand j’étais un peu moins bien, je pense que j’ai été un peu plus tendue et ça a été difficile aussi pour mes coéquipières.
Si je fais un bilan très objectif, avec le recul, je trouve que j’ai été dans des situations un peu injustes, mais je n’en suis pas pour autant en colère, l’injustice fait partie de la vie.
265 buts en 615 matchs, un trophée de meilleure buteuse du championnat en 2014, deux trophées de meilleure joueuse de D1 en 2012 et 2014, votre influence s’affirme aussi sur le terrain. Vous préférez marquer ou faire marquer ?
Je préfère faire le bon geste au bon moment. J’aurais tendance à dire que je préfère faire marquer. J’aime donner, je suis quelqu’un de très généreux dans la vie. Voir quelqu’un marquer, célébrer, ressentir ces émotions, mais j’aime aussi marquer. C’est vrai que j’ai tendance à vouloir faire plus de passes que de frappes, parfois on me l’a un peu reproché. J’ai un rôle hybride et j’aime cette polyvalence, parce que ça veut dire que j’ai réussi à m’adapter et à développer une intelligence de jeu qui me permet, à très haut niveau, de pouvoir évoluer à différents postes. Notre projet de jeu permet ça. Je suis là pour créer des décalages et ouvrir des espaces pour les autres. On a un jeu de position où on se déplace les unes pour les autres, ça va bien avec ma philosophie de vie. J’ai beaucoup de défauts, mais je pense avoir la qualité de penser pour les autres dans ma vie, de faire en sorte qu’ils se sentent bien et je le reproduis sur le terrain.
Vous êtes également la 4e meilleure buteuse de l’histoire de l’équipe de France avec 58 réalisations et la 7e joueuse la plus capée. Pourtant, on garde quand même un goût d’histoire inachevée entre vous et la sélection, est-ce le grand regret de votre carrière ?
J’aurais aimé en avoir plus, mais je respecte le fait qu’on ne m’ait pas prise. Après, je n’aurai jamais les réponses à mes questions : pourquoi plus l’une que l’autre ? Je suis toujours restée sur une seule chose : c’est que je devais être performante pour devoir mériter ma place et je suis restée figée là-dessus jusqu’au dernier match que je vais jouer. Maintenant, les réponses, j’ai passé beaucoup trop de nuits à les chercher, donc j’ai arrêté. Je suis surtout fière de tout ce que j’ai fait pour les Bleues, sur le terrain et dans mes différentes prises de parole. Quand on est en équipe de France, on a des devoirs et à un moment, mon devoir, ça a été de dire les choses. Si je fais un bilan très objectif, avec le recul, je trouve que j’ai été dans des situations un peu injustes, mais je n’en suis pas pour autant en colère, l’injustice fait partie de la vie. On peut demander à ceux qui sélectionnent pourquoi, mais c’est comme ça, c’est la vie.
Est-ce que vous avez discuté avec les successeurs de Corinne Diacre pour un retour chez les Bleues, que ce soit Hervé Renard ou Laurent Bonadei ?
Hervé Renard m’a envoyé un message avant la Coupe du monde 2023 en me disant qu’il n’avait pas de problèmes avec l’âge et qu’il allait observer mes performances. Après, je ne sais pas ce qui s’est passé entre-temps. (Rires.) J’imagine que mes performances n’étaient pas à la hauteur de ce qu’il attendait par rapport aux autres joueuses qui ont été sélectionnées.
Vous aviez fait des Jeux olympiques 2024 une échéance importante, après avoir manqué ceux de 2016. Comment avez-vous rebondi mentalement après cette déception ?
Très sincèrement, pour connaître le système, je n’avais pas beaucoup d’espoir de faire partie de l’équipe de France aux Jeux olympiques. Comme j’aime bien avoir un brin d’humour, j’étais avec mon sponsor Orange qui organisait le marathon des JO, donc quand j’ai annoncé que je ferais les Jeux c’est parce que je savais que si je ne les faisais pas avec l’équipe de France, je les ferais avec le premier marathon des JO. Donc j’ai bien fait les Jeux, c’était un petit clin d’œil. Bon, je n’ai fait que 10 kilomètres du marathon, car c’était en pleine prépa.
🇫🇷 Gaëtane Thiney avec la flamme olympique 🤩 Très bel hommage pour notre internationale aux 163 sélections avec l'équipe de France de football 🔥 📸 Paris 2024 / Philémon Henry / SIPA PRESS pic.twitter.com/QeS7SsfbWg
— SPORTRICOLORE (@sportricolore) July 24, 2024
Vous deviez arrêter votre carrière à l’issue de la saison 2023-2024, vous avez finalement continué une année de plus. Qu’est-ce qui vous a décidé ?
J’ai passé une super saison l’année dernière, peut-être l’une des meilleures de ma carrière. Arrivée en février, je me suis dit que si j’arrêtais là, je n’allais pas réussir à gérer émotionnellement et je me sentais surtout bien sur le terrain. Donc j’ai refait un an, et cette dernière année est tout aussi magnifique. Dans la vie, il ne faut pas abuser non plus. On a trois matchs qui arrivent qui sont extraordinaires, j’ai annoncé que j’arrêtais et je pense que c’est la bonne année. Je n’ai pas envie de regretter aussi sur le plan personnel, si jamais j’ai des projets de maternité qui arrivaient, parce que même si dans ma tête j’ai 28, 29 ou 30 ans, mon corps en a bientôt 40. Là je suis alignée sur l’idée que ce sera dur quoi qu’il arrive, quel que soit l’âge auquel j’arrête, et je suis prête aujourd’hui à l’affronter.
Je suis un peu en haut d’une falaise : il y a un grand vide, je vais sauter, je ne sais pas trop ce qui va se passer, même si je sais qu’en bas, ça va bien se passer.
L’idée, c’était de ne pas faire l’année de trop ?
Oui, aussi, mais on m’a dit ça déjà l’année dernière. Cette année, je me suis dit que je serais un peu moins bien, puis finalement, je crois que je suis encore meilleure passeuse du championnat, donc c’est cool. Ce qui est incroyable, c’est que je sais que je vais rêver jusqu’à la dernière minute, je ne sais même pas quand sera mon dernier match, c’est très beau.
Vous avez toujours accordé une grande importance à la symbolique. Est-ce qu’annoncer votre retraite un 1er avril était mûrement réfléchi ?
Pas tant, parce que l’article (de L’Équipe, NDLR) sortait le 2 avril, c’est un peu le hasard des choses. Avant que je publie, j’ai un membre de mon entourage qui m’a dit que c’était le 1er avril et je me suis dit qu’au moins, ça allait dans ce que je savais faire : l’ironie. Au moins si je changeais d’avis, j’avais une bouée de sauvetage, si jamais je voulais, je pouvais dire que c’était le 1er avril. Mais non, ce n’est pas un poisson d’avril. En fait, je me suis dit ça allait faire sourire les personnes qui me connaissent vraiment.
⚽️ 1990 ➡️ 2025 ⚽️ pic.twitter.com/hpEQNcQsAH
— Gaetane Thiney (@GaetaneThiney) April 1, 2025
Vous achevez votre carrière à 39 ans, après avoir joué votre premier match en première division à 14 ans. C’est quoi le secret de cette longévité ?
La passion, la génétique, le mental, un peu la folie justement et l’écoute de moi-même. De 14 à 20 ans, j’ai joué le maintien avec Saint-Memmie, je me suis forgée pendant ces six ans et j’ai une capacité forte à me dépasser, c’est-à-dire que je peux rester dans le rouge mentalement facilement, ça a été ma force. J’ai aussi eu l’intelligence de m’adapter à mon âge et j’ai augmenté tout le travail invisible : je suis allée chez l’ostéo quasiment toutes les semaines, j’ai une psy depuis plus de six ans qui m’accompagne. J’ai pris énormément soin de moi et j’ai mis les moyens pour.
Comment vous voyez votre après-carrière ?
Je suis une passionnée excessive, donc j’ai du mal à l’imaginer. Je suis un peu en haut d’une falaise : il y a un grand vide, je vais sauter, je ne sais pas trop ce qui va se passer, même si je sais qu’en bas, ça va bien se passer, mais le voyage, je ne sais pas comment il va se faire. La vraie question, c’est de trouver ce dont je vais avoir besoin, dans une période qui va être inconfortable et que je ne maîtrise absolument pas, et ça, je ne le sais pas encore. Maintenant, ce que je veux surtout c’est vivre à 200% les deux semaines qui arrivent. Derrière, j’ai une soutenance de mémoire pour ma formation de manager UEFA, ensuite une semaine de formation au bout du monde et puis à partir de mi-juin je vais me poser et je vais réfléchir à ce que je vais faire. Dans ces options, il y a aussi prendre un petit peu de repos pour faire les bons choix et avoir les idées claires. La réponse à cette question, elle arrivera dans le courant de l’été. Aujourd’hui, je n’ai aucune certitude sur rien, je ne veux pas en avoir et je ne veux pas y réfléchir parce que ça m’empêche de dormir.
Propos recueillis par Léna Bernard