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« Si nous, femmes trans, étions vraiment un problème, pourquoi est-ce qu’on ne serait pas toutes à Chelsea ? »

Propos recueillis par Ulysse Llamas
5 minutes

Fae Fulconis joue en sixième division anglaise. Elle est transgenre, et nous raconte son parcours et ses inquiétudes.

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« Je m’appelle Fae Fulconis. J’ai 30 ans, je joue au football en sixième division anglaise, à l’aile gauche. Je joue pour le club du Hackney Women FC, à l’est de Londres. C’est le premier club homosexuel d’Europe, fondé en 1986. Je suis également prof de français, installée à Londres depuis six ans. J’ai été assignée de sexe masculin à la naissance, et effectue ma transition pour exprimer à l’extérieur la femme que je suis à l’intérieur.

Je prends des hormones, j’ai un taux d’œstrogènes et de progestérones similaire voire supérieurs à celui d’une femme cisgenre, c’est-à-dire assignée de sexe féminin à la naissance et se considérant toujours comme une femme. J’ai un taux de testostérone proche de zéro. Mon corps est extrêmement similaire à celui d’une femme considérée comme « normale ». Que signifie donc être biologiquement homme ? Ou biologiquement femme ?

On dit qu’une femme trans ne peut pas avoir le même niveau physique qu’une femme normale. Or les études montrent tout l’inverse.

Fae Fulconis

Ce mois-ci, la Cour suprême du Royaume-Uni a pris une décision. Elle considère qu’être une « femme » ou un « homme » repose sur des critères biologiques spécifiques. Elle définit les femmes par rapport au fait qu’elles puissent être enceintes. Dans son explication, la Cour dispose que les femmes transgenres ne peuvent pas être considérées comme des femmes cisgenres, car les femmes trans n’ont pas d’utérus. Dans cette définition, nous sommes considérées comme déviantes. Au Royaume-Uni, le gouvernement, de gauche, essaye de mettre la pression pour interdire aux femmes trans de jouer au foot dans les divisions féminines. L’Écosse a pris cette décision. C’est complètement délirant.

La loi et le climat politique m’inquiètent. En Angleterre, on représente vingt personnes sur 2,5 millions de licenciées. Beaucoup de peurs circulent. L’argumentaire diffusé consiste à dire qu’une femme trans est automatiquement plus forte qu’une femme. Les gens pensent que les femmes trans viennent voler les espaces des « vraies » femmes. Comme on a eu une puberté masculine, on est assimilées à des hommes. On dit qu’une femme trans ne peut pas avoir le même niveau physique qu’une femme normale. Or les études montrent tout l’inverse : nos taux hormonaux sont élevés, on a tendance à produire plus de matière grasse, on a plus de mal à produire de l’adrénaline et à produire un effort soutenu. En plus de cela, il existe déjà des limites extrêmement strictes concernant la pratique sportive pour les femmes trans sur les taux de testostérone : on parle de 5 nanomole par millilitre. J’imagine que ça ne vous dit rien, mais un homme c’est au moins 20, et une femme entre 2 et 10. Je suis à 0,7 !

Pour moi, cette attaque contre les femmes trans est une attaque plus large contre toutes les femmes non conformes aux modèles de féminité hégémoniques.

Fae Fulconis

Sur le terrain, je me fais maltraiter physiquement dans les matchs ! Heureusement que ça va techniquement ! Pour moi, cette attaque contre les femmes trans est une attaque plus large contre toutes les femmes non conformes aux modèles de féminité hégémoniques. Le concept de la femme qui doit être un petit être fragile, dans la cuisine et le salon, est diffusé partout. Une femme ne doit pas être quelqu’un qui fait des prouesses sportives. C’est ce qu’on a vu pendant les JO avec la boxeuse Imane Khelif. On voit cette femme assez musclée, au visage anguleux, qui boxe très bien, et on se demande si elle n’est pas un homme. Eh bien non.

Si nous, les femmes trans, étions vraiment un problème, on ne serait pas 20 sur 2,5 millions de pratiquantes de foot au Royaume-Uni. Et on jouerait toutes en Women’s Super League. Il n’y a pas une seule femme trans au-delà de la troisième division ! Si on était vraiment là pour piquer les places et tout gagner, pourquoi est-ce qu’on ne serait pas toutes à Chelsea ?

Nous aider à être qui on est réglerait tellement de problèmes. C’est hyper important de se sentir appartenir à la société, être intégrées dans les clubs de foot. Je ressens vraiment une différence depuis que j’ai transitionné à l’état civil. Je peux exister dans ce monde sans être à la marge et être tout le temps en train de me battre. C’est juridique, ça n’a rien changé à comment je m’habille, je parle, j’existe en société, mais ça m’a donné confiance, alors qu’on sait que les sans-abris, les violences domestiques et les violences sexuelles sont surreprésentées chez les femmes transgenres. Un truc tout simple pourrait par exemple nous permettre de continuer à jouer au foot : montrer qu’on suit un traitement hormonal pour affirmer notre existence en tant que femme.

Déjà que notre communauté est très stigmatisée, qu’on est vues comme des prostituées, imaginez si on nous met dans des prisons pour mecs… L’enfer.

Fae Fulconis

Aujourd’hui, j’ai peur de l’offensive réactionnaire qui se met en place, dans la lignée des États-Unis. J’ai peur des lois sur lesquelles on discute en Angleterre : que les femmes trans ne puissent pas légalement utiliser des toilettes des femmes – on le fera de toute façon, qu’elles devraient aller dans des prisons d’hommes, qu’elles devraient aller dans des hôpitaux d’hommes ou ne pas aller dans des centres d’accueil réservés aux femmes. Déjà que notre communauté est très stigmatisée, qu’on est très souvent assimilées aux travailleuses du sexe – qui comptent bien évidemment des femmes trans parmi elles. Imaginez si on nous met dans des prisons pour mecs… L’enfer.

Il existe un décalage entre les conclusions scientifiques et les discours politiques. On vit dans une société de post-vérité, où les gens cherchent à dire ce qui leur plaît plutôt ce qui est vrai. Comme les discours homophobes des années 1980-1990 sont les mêmes : les femmes lesbiennes ne devraient pas utiliser les toilettes et les vestiaires des femmes. Même si des progrès sont faits, tous ces schémas sont repris, et la conception des femmes trans n’est pas basée sur la réalité. J’ai envie de lutter contre cette assimilation de la femme trans aux hommes, et de toutes ces idées fixes dans les têtes des gens. C’est mon combat actuel. »

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Propos recueillis par Ulysse Llamas

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